Disruption / inversion

Un autre concept retient toute l'attention ces derniers temps : celui de disruption, qui, au-delà de son succès, permet de comprendre des évolutions surprenantes des processus innovants contemporains.

1. L'innovation ne relève pas toujours de la haute technologie

1.5. Disruptive/continue


L'innovation disruptive


IBM, ce géant de l’informatique, en position de quasi-monopole, va être débordé par de nouveaux entrants (dont Apple) qui introduisent les ordinateurs personnels, bouleversant complètement cette industrie. Dans son ouvrage The Innovator's Dilemma, publié en 1997, Christensen oppose l’innovation disruptive qui transforme les structures de marché à l’innovation continue (sustaining) réalisée par les firmes déjà présentes, innovations qui confortent la structure existante du marché.

L’hypothèse, c’est que les firmes installées ont tendance à se focaliser sur l’amélioration de leurs technologies et à se positionner sur les segments hauts d’un marché, segments censés être les plus profitables. Elles laissent ainsi plus ou moins le champ libre à l’introduction de technologies de rupture par de nouveaux acteurs qui vont attaquer le marché par le bas, en offrant des produits n’intégrant pas les derniers perfectionnements technologiques mais offrant des fonctionnalités minimales ( a « good enough » product). Ces innovations ouvrent le marché à des consommateurs qui en étaient jusque là exclus du fait de prix trop élevés pour leurs revenus.

Une fois présents dans l’industrie, les nouveaux entrants vont progressivement monter en gamme, améliorer leurs produits ou services pour atteindre le cœur de marché et parfois marginaliser progressivement les firmes installées. Ainsi IBM s’est-elle complétement retirée de l’industrie informatique pour se positionner sur les seuls services.

Graphique : http://www.lescahiersdelinnovation.com/2015/09/linnovation-de-rupture-cest-quoi/

Incontestablement, l’innovation disruptive est une forme d’innovation radicale car elle remet en cause la structuration d’une industrie, mais elle ne repose pas sur des technologies que certains qualifieraient de « révolutionnaires » mais sur une appréhension différente du marché et de nouvelles façons de concevoir, de produire et de diffuser le bien ou le service. En matière de service, on peut citer le cas de Netflix qui a progressivement damer le pion aux Majors de l’industrie du cinéma en repensant profondément le modèle d’affaire (business model).

Mais Christensen insiste, l’innovation disruptive n’est pas l’apparition d’un nouveau produit à un moment donné du temps, c’est un processus qui se déploie dans le temps

Il prend l’exemple de l’iPhone d’Apple qui, au départ, vient concurrencer les firmes installées comme BlackBerry ou Nokia en proposant un substitut aux acheteurs habituels avec un smartphone de qualité supérieure. Mais c’est grâce aux nouvelles opportunités associées aux possibles connexions à internet rendus possibles par les évolutions des technologies de communication que l’impact disruptif va se révéler, faisant du produit d’Apple un espèce d’ordinateur portable. Dès lors la firme à la pomme va proposer de nouveaux services et changer les règles du jeu concurrentiel dans l’industrie du smartphone.

Toutes ces innovations trouvent leur origine dans les pays industrialisés. Au-delà des seuls pays riches, les firmes peuvent mettre en œuvre de nouvelles stratégies dans le cadre de ce qu’on appelle l’innovation inversée. Celle-ci se rapproche de l’innovation disruptive par l’arrivée de nouveaux entrants (les pays émergents) et par l’entrée par le bas du marché.

Références :

Christensen C.M., Raynor M.E and R. McDonald, « What Is Disruptive Innovation? », Harvard Business Review, December 2015, pp.44–53

 (interview de Clayton Cristensen par Harvard Business Video sur youtube, 30 mars 2012). En anglais

Silberzahn P.  et S. Ben Mahmoud-Jouini « Clayton M. Christensen - Les innovations de rupture : défis et principes de management », Les grands auteurs en management de l'innovation et de la créativité, coordonné par Th. Burger-Helmchen, C. Hussler et P. Cohendet, Éditions EMS, Paris, 2016, pp.283-296