L'innovation ouverte

Pour innover, vous l'aurez compris, on est rarement seul. Les interactions sont aujourd'hui devenues une part essentielles et incontournables des processus d'innovation. Nous le verrons, les spécialistes contemporains de l'innovation étudient les différentes stratégies et formes de partenariats rendues possibles avec, notamment, les nouvelles technologies.

2. Des stratégies variées d'open innovation

2.2. La diversité des stratégies

Pourquoi des entreprises prennent-elles le risque d’ouvrir leurs programmes de recherche parfois très largement à d’autres entreprises voire à des particuliers anonymes ? Pour répondre à cette question nous devons de nouveau distinguer pratiques d’outside-in et pratiques d'inside-out.

Le recours par les entreprises à des communautés d’utilisateurs, de praticiens (dans le cas de l’open source) ou d’anonymes (dans le cas du crowdsourcing) est un moyen rapide et peu coûteux de trouver des solutions à leurs problèmes ou d’améliorer leurs produits et leurs procédés.

Dans son essai de 1999 intitulé La Cathédrale et le Bazar, Eric S. Raymond énonce une « Loi de Linus » qui affirme qu’en matière de développement logiciel, le nombre d’intervenants diminue le temps de résolution des problèmes et augmente la fiabilité des solutions trouvées. Cela démontre plus largement pour lui la supériorité contemporaine du « Bazar » (la coopération multiple) sur la « Cathédrale » (la hiérarchie fondée sur le statut).

La variété des solutions proposées par les anonymes est souvent surprenante, prouvant que l’imagination du plus grand nombre est moins étriquée que celle des spécialistes.

En 2009-2010, la NASA proposa sept problèmes jugés insolubles sur la plateforme de crowdsourcing Innocentive. 3000 personnes issues de 80 pays contribuèrent, 300 d’entre elles trouvèrent des solutions, en moyenne 50 solutions différentes pour chaque problème. Dans de nombreux cas, les solutions provenaient de personnes très éloignées du secteur de l’aérospatial.

Cette ouverture sur le grand public a un autre avantage pour les entreprises, c’est d’obtenir des résultats extrêmement peu coûteux. Les solvers peuvent être bénévoles ou accepter des rétributions relativement symboliques.

D’autre part, les communautés sont capables de s’auto-motiver, d’auto-sélectionner leurs membres, de s’auto-discipliner dans le cadre de règles générales fixées par l’entreprise, supprimant ainsi une partie des coûts liés à la gestion des ressources humaines et à la surveillance ou au suivi du personnel.

A l’opposé, les motivations du inside-out sont plus complexes.

Dans le cas de startups qui cherchent à vendre leurs licences voire à se vendre elles-mêmes, le business plan est parfaitement rationnel.
Certaines offres de technologies par les firmes peuvent être le résultat de bifurcations stratégiques. Ce fut le cas quand les Laboratoires Bell abandonnèrent leur système d’exploitation Unix aux universitaires du fait d’une obligation légale faite à leur maison-mère AT&T. De même le projet Mozilla (le navigateur Firefox) bénéficia de la libération du code de Netscape Navigator par ses auteurs qui voulaient protester contre l’abus de position dominante de Microsoft lors de l’intégration d’Internet Explorer à Windows 95.
Mais généralement quand les firmes offrent leurs compétences et leurs technologies à des partenaires ou à des communautés c’est dans l’intention d’en retirer un profit à moyen terme : 

  • Soit en facilitant la réussite d’un projet collectif d’innovation dont elles finiront par tirer profit, d’autant plus certainement qu’elles auront eu un rôle leader dans cette réussite et se seront construit au passage une image positive.
  • Soit parce qu’ainsi elles confortent la suprématie des solutions techno-économiques qu’elles maîtrisent.

Il n’est pas rare de voir des leaders offrir leur technologie à leurs principaux concurrents pour éviter une modification du paradigme technologique qui les a faits rois. Nous sommes là dans la logique du dominant design étudié dès 1975 par Utterback and Abernathy.

La conception de nouveaux produits comme leur production étant marquée par la multiplication des interactions et la modularité, il est aujourd’hui pertinent de développer - en particulier dans les industries et les services high tech - des stratégies complexes de propriété intellectuelle, associant briques libres, briques partagées et briques propriétaires, la maîtrise de certains modules ou des interfaces peuvent suffire à la maîtrise des nouveaux produits et des nouveaux procédés.