Les sources de l'innovation

Les ouvrages d’économie présentent généralement la question des sources de l’innovation à travers un débat opposant deux modèles : selon le premier - techno-push - l’innovation serait poussée par les inventions techniques voire les découvertes scientifiques, de l’autre elle serait appelée par la demande - demand pull.

4. Les modèles dynamiques contemporains

4.3. Des dynamiques complexes

Pour Keith Pavitt (2005) le processus d’innovation se situe à la confluence de trois processus se recoupant partiellement :
1. Tout d’abord un processus de production de connaissances scientifiques et technologiques. Processus de plus en plus mondialisé de connaissances de plus en plus parcellaires et spécialisées.
2. Un processus de transformation technique de ce savoir en « objets » : produits, services, procédés, systèmes, un ensemble de réalités de nature de plus en plus complexe car mettant en œuvre différents champs de connaissance.
3. Un processus d’évolution permanente des besoins et de la demande marchande qui intervient de manière de plus en plus active dans le processus d’innovation.

Akrich, Callon et Latour, auteurs en 1988 de deux fameux articles parus dans la revue « Gérer et Comprendre » de l’École des Mines utilisent l’expression de « dynamique sociotechnique »
Pour eux comprendre l’innovation et le changement technique passe par une compréhension des dynamiques sociales qui les portent.
Ces dynamiques de toutes natures entrent en résonance les unes avec les autres et avec le processus d’innovation lui-même qui est à la fois le produit de ces dynamiques et une partie prenante du mouvement des sociétés sur lequel il réagit.
Le processus d’innovation nécessiterait un ensemble de « passes » qui feraient évoluer en même temps les connaissances, la technique, la demande, les représentations des acteurs et lui donnerait une forme tourbillonnaire.
Mais ce mouvement tourbillonnaire est en permanence régulé.
En permanence se construisent et se reconstruisent ce que Madeleine Akrich et ses collègues nomment des compromis « socio-techniques », c’est-à-dire des « vérités » qui sont partagées pendant un certain temps par les acteurs.
Quelles sont les caractéristiques « normales » du produit ? Quelles performances peut-on raisonnablement en attendre ? Mais aussi, quelles performances peuvent-être attendues des process de production et d’innovation (la rentabilité elle-même étant un construit social, comme le montre l’exemple de la coulée continue).
Les phases d’innovations de rupture sont des moments de remise en cause de ces représentations partagées et de redéfinition profonde de ces compromis sociotechniques. Le cas du low cost en est un exemple emblématique comme je l’explique dans une video complémentaire du cours.

Au-delà d’un débat théorique un peu formel, l’ensemble des modèles que nous avons examinés dans cette partie rendent compte de représentations qui inspirent les choix stratégiques des entreprises. Nous verrons dans les parties suivantes que la prise en compte par l’entreprise de la complexité du processus d’innovation et de sa nécessaire ouverture est un enjeu essentiel et présente des difficultés qui renforcent son caractère incertain.