Dynamiques concurrentielles et de coopération

L’innovation peut avoir pour effet tantôt de bouleverser les positions concurrentielles entre firmes ou au contraire de les consolider.
En tout cas, elle est utilisée pour vaincre dans la lutte concurrentielle.
Inversement, un degré plus ou moins important de concurrence peut a priori influencer l’innovation, puisque c’est la concurrence et la recherche du profit qui sont les principales incitations à innover.

2. Une forme particulière de compétition:l'oligopole à frange

2.1. L'oligopole à frange dans l'édition musicale

On peut observer dans le secteur des industries culturelles une structure de marché très originale que les économistes ont baptisé « oligopole à frange ».

Le domaine de l’édition musicale est emblématique d’une telle structure : un très petit nombre d’entreprises, que l’on nomme les « Majors », contrôlent la production et la diffusion des créations musicales et assurent la promotion des artistes sur les différents médias.

Au milieu des années 90 c’était plus de 90% des CD musicaux distribués en France qui provenaient des 4 majors de l’époque.
En 2017, Sony Music, Universal Music et Warner Music contrôlent à elles trois, près de 80% du catalogue mondial des artistes présents sur les plateformes de streaming.
A côté d’elles existent pourtant une foule de « labels indépendants », qui produisent, éditent et diffusent au final un nombre d’artistes beaucoup plus important et qui assurent la variété de l’édition musicale.
L’oligopole à frange est caractéristique du secteur des industries culturelles. L’industrie cinématographique est également dominée par les majors américaines et par quelques acteurs importants européens ou asiatiques autour desquels existent une multitude de producteurs indépendants.

Un modèle d’innovation dual : l'exemple de l’édition musicale

Le modèle d’innovation sur ce type de marché est assez particulier.
Dans la musique, par exemple, ce sont les labels indépendants qui assurent l’essentiel de la détection des nouveaux artistes et qui sont à l’origine de la majorité des nouveaux courants musicaux.
Les majors de leur côté, observent cette frange et repèrent ainsi une grande partie des nouveaux talents auxquels ils donneront par la suite une plus grande notoriété, souvent au prix d’une certaine standardisation.
Mais les majors ont aussi leur propre structure d’innovation qui, par une démarche systématique, vise à concevoir des « produits » commerciaux de manière industrielle :

  • que ce soit à partir d’enquêtes-marketing,
  • d’émissions TV de casting,
  • de construction de produits standardisés pour le grand public (tube de l’été, boys band des années 90, etc.),
  • ou par imitation de « recettes » passées, etc.

Un modèle généralisable ?

Le modèle de l’oligopole à frange est caractéristique des industries culturelles mais il rend aussi assez bien compte du fonctionnement de certaines industries et marchés où l’innovation et la créativité sont essentielles, comme les industries de haute technologie voire les services Internet.

Dans l’industrie pharmaceutique, par exemple, il existe de très nombreuses entreprises dans tous les pays mais seule une petite dizaine de multinationales concentrent au niveau mondial l’essentiel des revenus, des investissements et des profits du secteur. La stratégie d’innovation de ces Big Pharma est comparable à celle des majors du disque. D’un côté elles utilisent des méthodes systématiques de recherche de nouvelles molécules comme celle du « cribbling » par exemple, de l’autre elles restent à l’affut des découvertes des petits laboratoires et des startups biotech afin de les absorber ou de racheter leurs brevets.

Une tendance proche est observable dans les secteurs de l’informatique et de l’Internet. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) développent en interne leurs propres recherches mais rachètent aussi les startups les plus prometteuses afin d’élargir leur portefeuille technologique, leur gamme de produits ou de services.
Ainsi depuis 2001 Google a réalisé plus de 200 rachats dont ceux de Picasa, de YouTube, de Waze ou de NestLabs. Facebook de son côté est à l’origine des acquisitions les plus importantes du secteur comme celle d’Instagram pour 1 md de $, d’Oculus VR pour 2 mds de $ et surtout en 2014 de WhatsApp pour près de 20 Mds de dollars.