Dynamiques concurrentielles et de coopération

Сайт: Plateforme pédagogique de l'Université de Bordeaux (Sciences & Techno.)
Курс: Innovation : théories et pratiques
Книга: Dynamiques concurrentielles et de coopération
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Дата: неделя, 1 септември 2024, 08:24

Описание

L’innovation peut avoir pour effet tantôt de bouleverser les positions concurrentielles entre firmes ou au contraire de les consolider.
En tout cas, elle est utilisée pour vaincre dans la lutte concurrentielle.
Inversement, un degré plus ou moins important de concurrence peut a priori influencer l’innovation, puisque c’est la concurrence et la recherche du profit qui sont les principales incitations à innover.

1. La concurrence: aiguillon des innovations

Les économistes adhèrent, pour la majorité d'entre-eux, à l'idée que la concurrence est un aiguillon permanent de l'innovation. Nous allons vous montrer ici que c'est beaucoup trop simple et que les effets de la concurrence sont ambigus.

1.1. Les effets ambigus de la concurrence

La majorité des économistes adhèrent à l’idée que la concurrence est nécessaire ou du moins importante pour inciter les entreprises à utiliser au mieux leurs ressources productives - efficacité statique - et pour améliorer en permanence leur compétitivité prix et hors prix - efficacité dynamique.

La concurrence pure et parfaite : trop de concurrence pour innover

L’idéal-type du marché de concurrence pure et parfaite (CPP) qui voit s’affronter une multitude d’entreprises de petite taille ayant accès à l’ensemble des technologies et information immédiatement et sans coût, et pouvant entrer pénétrer immédiatement sur le marché, est généralement considérée par les économistes comme une structure de marché optimale du point de vue de l’efficacité économique.

Cependant, l’innovation est impossible en concurrence pure et parfaite, car si l’ensemble des firmes ont toutes les mêmes techniques de production et un accès à toute l’information présente et future sans coût, toute entreprise qui innove ne peut bénéficier ici de rentes de monopole, puisque d’autres entreprises vont pouvoir immédiatement la copier et entrer sur le marché, rendant l’incitation à l’innovation nulle.

Inversement, une firme en monopole, en particulier si elle ne subit aucun risque d’entrées de concurrents pour lui prendre ses parts de marchés, a peu d’incitation à innover.


1.2. Une relation en U inversé

Si la concurrence apparaît nécessaire à l’innovation, il ne peut s’agir d’une concurrence pure et parfaite : il faut qu’existent des possibilités d’appropriation des résultats de l’innovation par l’entreprise innovante et une information imparfaite. Certaines études comme celle d’Aghion et Griffith (2005) [Aghion Ph. et Griffith R., 2005, Competition and Growth: Reconciling Theory and Evidence, MIT Press] montrent ainsi une relation suivant une courbe en U inversé entre le degré de concurrence et l’innovation. Si la concurrence est faible, l’incitation à innover est faible aussi, puis l’incitation à innover croît avec le niveau de concurrence jusqu’à un certain niveau pour lequel la trop forte concurrence réduit les moyens consacrés à l’innovation car les firmes ne réalisent plus de bénéfices suffisants pour être incitées à investir.

Certaines études comme celle d’Aghion et Griffith (2005) [Aghion Ph. et Griffith R., 2005, Competition and Growth: Reconciling Theory and Evidence, MIT Press] montrent ainsi une relation suivant une courbe en U inversé entre le degré de concurrence et l’innovation.

Relation U inversée

Si la concurrence est faible, l’incitation à innover est faible aussi, puis l’incitation à innover croît avec le niveau de concurrence jusqu’à un certain niveau pour lequel la trop forte concurrence réduit les moyens consacrés à l’innovation car les firmes ne réalisent plus de bénéfices suffisants pour être incitées à investir.


1.3. L'innovation favorisée par de grandes ou petites entreprises innovantes ?

On a dit précédemment que Schumpeter avait évolué passant d’une exaltation d’une économie de petits entrepreneurs-innovateurs à l’idée que les grandes entreprises oligopolistiques avaient la capacité d’innover de façon routinière via de grands centres de R&D. Voilà pourquoi, on parle d’un Schumpeter I et Schumpeter II.

En matière d’innovation le regard des partisans de la concurrence et de la petite taille se porte sur les déséconomies d’échelle engendrées par la moindre incitation des chercheurs au sein de structures de recherche bureaucratisées, sur la plus grande capacité de réaction et d’adaptabilité des petites firmes, sur la plus grande plasticité organisationnelle des PME qui adaptent leur structure à l’innovation.

De même, on peut mettre en avant le fait que les start-ups étant contrôlées par un entrepreneur qui prend un risque, elles seraient mieux gérées. Certes l’importance des start-ups dans la révolution du numérique ou des biotechnologies vient conforter cette certitude que la forte concurrence et la taille réduite des entreprises sont des conditions favorables aux innovations. Mais à l’opposé, les partisans de la grande entreprise ont aussi quelques arguments. Ceux qui voient dans la constitution d’oligopoles voire de monopoles un phénomène favorable aux innovations peuvent aussi avancer un certain nombre d’arguments convaincants.

Les économies d’échelle liées à la taille de l’organisation jouent un rôle essentiel à deux niveaux.

D’abord, la taille des équipes de R&D peut avoir une influence sur leur productivité, du fait de la multiplication des échanges en face à face entre chercheurs et de l’attractivité qu’exercent les grands laboratoires sur les chercheurs les plus talentueux.
Une grande entreprise est souvent plus diversifiée en termes de compétences qu’une PME et a donc plus de moyens d’exploiter efficacement les résultats inattendus de l’innovation.
Enfin, la grande entreprise a une plus grande capacité à rentabiliser ses investissements en R&D répartissant les coûts fixes qu’ils constituent sur un volume très supérieur de ventes. On peut aussi observer des économies de gamme par mutualisation des investissements entre projets de recherche.


1.4. Innovations disruptives et diversité des firmes

Dans la phase de maturité, les firmes dominantes peuvent être amenées à des dilemmes : bien souvent elles ont la capacité à créer des innovations de rupture, mais elles risquent en le faisant de détruire leurs sources de rentabilité.

Elles ont aussi tendance éventuellement à continuer à innover pour viser les segments de marché les plus rentables éventuellement en faisant de la « surqualité » en délaissant les segments moins rentables, ce que Christensen appelle des "sustaining innovations". Cela peut laisser alors la place à de nouveaux entrants de réaliser ce que Christensen appelle des disruptions ou innovations disruptives.

Ces innovations ne sont pas forcément technologiquement plus avancées que celles des firmes installées : bien souvent, elles le sont même parfois moins. Par contre, étant moins rentables car peu chères et ayant tendance à avoir leur prix baisser rapidement, elles sont souvent délaissées par les grands groupes car elles pourraient saper leur profitabilité ; elles sont alors souvent exploitées par des start-ups qui peuvent parvenir à les diffuser.

Cela peut alors bouleverser la structure concurrentielle, les firmes installées perdant rapidement leur leadership.

Donc les structures de marché sont en mouvement, et sont complexes, combinant parfois des tailles de firmes différentes.

Plus généralement, on montre que la diversité des stratégies d’innovation et des tailles des firmes augmente la vitesse de l’innovation.

Le mot disruptif au cœur des débats : Le concept de disruption expliqué par son créateur - Article dans L'Obs - Dominique Nora - Janvier 2016


2. Une forme particulière de compétition:l'oligopole à frange

On peut observer dans le secteur des industries culturelles une structure de marché très originale que les économistes ont baptisé « oligopole à frange ». Petit rappel : un oligopole (du grec oligos : rare) est un marché où le nombre d’offreurs est réduit à quelques (grandes) entreprises.


Un oligopole à frange est un type d’oligopole particulier qui, bien que dominé par quelques grands groupes, laisse subsister un grand nombre de petites entreprises qui forme une frange atomisée, comparable à un marché de concurrence pure et parfaite.


2.1. L'oligopole à frange dans l'édition musicale

On peut observer dans le secteur des industries culturelles une structure de marché très originale que les économistes ont baptisé « oligopole à frange ».

Le domaine de l’édition musicale est emblématique d’une telle structure : un très petit nombre d’entreprises, que l’on nomme les « Majors », contrôlent la production et la diffusion des créations musicales et assurent la promotion des artistes sur les différents médias.

Au milieu des années 90 c’était plus de 90% des CD musicaux distribués en France qui provenaient des 4 majors de l’époque.
En 2017, Sony Music, Universal Music et Warner Music contrôlent à elles trois, près de 80% du catalogue mondial des artistes présents sur les plateformes de streaming.
A côté d’elles existent pourtant une foule de « labels indépendants », qui produisent, éditent et diffusent au final un nombre d’artistes beaucoup plus important et qui assurent la variété de l’édition musicale.
L’oligopole à frange est caractéristique du secteur des industries culturelles. L’industrie cinématographique est également dominée par les majors américaines et par quelques acteurs importants européens ou asiatiques autour desquels existent une multitude de producteurs indépendants.

Un modèle d’innovation dual : l'exemple de l’édition musicale

Le modèle d’innovation sur ce type de marché est assez particulier.
Dans la musique, par exemple, ce sont les labels indépendants qui assurent l’essentiel de la détection des nouveaux artistes et qui sont à l’origine de la majorité des nouveaux courants musicaux.
Les majors de leur côté, observent cette frange et repèrent ainsi une grande partie des nouveaux talents auxquels ils donneront par la suite une plus grande notoriété, souvent au prix d’une certaine standardisation.
Mais les majors ont aussi leur propre structure d’innovation qui, par une démarche systématique, vise à concevoir des « produits » commerciaux de manière industrielle :

  • que ce soit à partir d’enquêtes-marketing,
  • d’émissions TV de casting,
  • de construction de produits standardisés pour le grand public (tube de l’été, boys band des années 90, etc.),
  • ou par imitation de « recettes » passées, etc.

Un modèle généralisable ?

Le modèle de l’oligopole à frange est caractéristique des industries culturelles mais il rend aussi assez bien compte du fonctionnement de certaines industries et marchés où l’innovation et la créativité sont essentielles, comme les industries de haute technologie voire les services Internet.

Dans l’industrie pharmaceutique, par exemple, il existe de très nombreuses entreprises dans tous les pays mais seule une petite dizaine de multinationales concentrent au niveau mondial l’essentiel des revenus, des investissements et des profits du secteur. La stratégie d’innovation de ces Big Pharma est comparable à celle des majors du disque. D’un côté elles utilisent des méthodes systématiques de recherche de nouvelles molécules comme celle du « cribbling » par exemple, de l’autre elles restent à l’affut des découvertes des petits laboratoires et des startups biotech afin de les absorber ou de racheter leurs brevets.

Une tendance proche est observable dans les secteurs de l’informatique et de l’Internet. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) développent en interne leurs propres recherches mais rachètent aussi les startups les plus prometteuses afin d’élargir leur portefeuille technologique, leur gamme de produits ou de services.
Ainsi depuis 2001 Google a réalisé plus de 200 rachats dont ceux de Picasa, de YouTube, de Waze ou de NestLabs. Facebook de son côté est à l’origine des acquisitions les plus importantes du secteur comme celle d’Instagram pour 1 md de $, d’Oculus VR pour 2 mds de $ et surtout en 2014 de WhatsApp pour près de 20 Mds de dollars.


2.2. La coopétition

Depuis une trentaine d’années se multiplient dans de nombreuses industries des « alliances stratégiques » ou des « partenariats stratégiques » entre firmes indépendantes qui s’associent pour concevoir, pour produire ou pour vendre ensemble un composant, un produit voire une gamme de produits. Il peut s’agir d’alliances d’entreprises ayant des compétences complémentaires : la mise au point des premiers airbags automobiles, par exemple, doit beaucoup à la coopération entre le constructeur Mercedes-Benz, l’équipementier Bosch et le chimiste Bayern (spécialiste des explosifs et des missiles). Des partenariats existent aussi entre concurrents qui diffusent sous leur propre marque des produits conçus et fabriqués ensemble. Les groupes Toyota et PSA Peugeot-Citroën, par exemple assemblent dans une usine commune près de Prague leurs petites voitures urbaines (Toyota Aygo, Citroën C1 et Peugeot 108) tout en restant des concurrents et sans aucune intention de fusionner. Le terme de coopétition a été inventé pour désigner ces alliances un peu paradoxales entre concurrents. Cette coopération inter-entreprises peut prendre des formes variées, du simple contrat à la filiale commune (joint venture) en passant par des groupements d’intérêts lorsqu’il s’agit de faire collaborer un nombre important d’entreprises. On emploie le terme de consortiums technologiques pour désigner les alliances stratégiques qui se nouent en matière de R&D afin de mettre au point de nouveaux procédés ou de nouveaux produits. …prolifère dans la R&D high tech Ces consortiums jouent un rôle essentiel en matière d’innovation dans les industries high tech comme l’informatique, l’électronique, l’audiovisuel, l’aéronautique, l’armement.

3. Pourquoi des alliances stratégiques pour innover ?

S’allier avec un concurrent pour développer une innovation dont on attend un avantage compétitif est a priori paradoxal. Mais alors quels sont les avantages à en tirer ?

Dans un article de 1991 de la Revue d’Economie Industrielle, Jean-Louis Mucchielli proposait de distinguer avantages spécifiques et avantages stratégiques des partenariats en général. Les bénéfices dits spécifiques sont de nature techno-économique. La complémentarité technologique peut rapprocher - nous l’avons vu - des entreprises de secteurs différents. 

Elle peut également concerner des entreprises concurrentes qui possèdent des connaissances, des compétences ou des brevets complémentaires essentiels à la mise au point du nouveau produit ou du nouveau procédé. La complémentarité peut être plus économique voire commerciale : des firmes implantées sur des continents différents avec des contraintes productives et des habitudes de consommation différentes peuvent s’associer, comme ce fut le cas du japonais Sony et du hollandais Philips pour concevoir et imposer le CD audio au début des années 80. 

L’association dans la conception permet - comme c’est le cas pour la production en commun - de partager les coûts, de réaliser des économies d’échelle et des économies d’apprentissage : suppression des doublons, obtention de la taille minimale nécessaire, une masse critique étant souvent nécessaire pour une R&D pertinente... 

Les bénéfices stratégiques sont eux plus aléatoires et parfois assez subtils. Le partage des risques est un argument important de ces alliances stratégiques en R&D. L’échec est à prendre en compte dans une stratégie d’innovation et il peut y avoir un avantage à échouer avec son concurrent. Mais le principal avantage stratégique des partenariats technologiques est plus positif : c’est celui de développer ensemble la technologie de référence du futur et de l’imposer sur le marché. 

Les consortiums technologiques sont ainsi à l’origine de beaucoup de normes de fait dans les secteurs de l’électronique ou de l’informatique. On se souvient que l’existence de rendements croissants d’adoption constitue en matière d’innovation une contrainte stratégique essentielle qui débouche sur l’avènement de standards. On peut ainsi avoir intérêt à s’associer avec certains concurrents pour en exclure d’autres, en particulier de nouveaux entrants. 

Dès la fin des années 80, les géants américains, asiatiques et européens de l’informatique (Texas Instruments, Motorola, Acer, Toshiba, Siemens) s’allient pour imaginer ensemble chaque nouvelle génération de mémoires informatiques, consolidant ainsi leur suprématie régionale. 

A l’opposé de ces alliances défensives existent des alliances offensives destinées - au contraire - à  modifier la structure du marché au bénéfice des suiveurs qui vont s’allier pour renverser le leader. La victoire au milieu des années 80 de l’alliance VHS face au leader SONY sur le marché de la video grand public en est un exemple emblématique. Certaines alliances peuvent avoir des motivations complexes qui empruntent aux différents types d’avantages. Le cas des alliances entre grands industriels de la pharmacie et sociétés de biotechnologies est un cas intéressant que je vous conseille de regarder de plus près. Ces alliances entre firmes jouent dans tous les secteurs high tech un rôle essentiel dans la mise au point et la diffusion des nouvelles technologies et l’imposition de nouveaux standards. 

Une dernière remarque : La guerre des standards ne débouche pas nécessairement sur l’élimination du vaincu ou sa soumission au vainqueur. Les consortiums peuvent eux-mêmes s’associer. A l’origine du DVD un duel opposait l’alliance Philips-Sony à une alliance Toshiba -Time-Warner pour imposer le disque video de référence. L’arrivée d’un consortium d’industriels de l’informatique réuni par IBM autour d’un disque numérique poussa finalement à un accord autour d’un format DVD polyvalent (le V de DVD ne signifie pas video mais versatile, c’est à dire polyvalent en anglais). Nous voyons donc qu’en matière d’innovation technologique la coopération et la compétition cohabitent et le terme de coopétition pourrait être retenu pour qualifier l’ensemble des relations interentreprises dans ce domaine. Mais l’innovation ne concerne pas seulement les entreprises privées et le marché n’est pas l’unique espace de l’innovation.

4. Des innovations aux frontières du marchand et du non-marchand

Au sein de notre économie dite de marché, l’innovation est un domaine où l’entreprise joue un rôle central et on assimile souvent innovateur et entrepreneur.

Pourtant l’innovation est un domaine où co-existent fortement relations marchandes et non marchandes, en parallèle mais aussi en interactions.




 Au sein de notre économie dite de marché, l’innovation est un domaine où l’entreprise joue un rôle central et on assimile souvent innovateur et entrepreneur. Pourtant l’innovation est un domaine où co-existent fortement relations marchandes et non marchandes, en parallèle mais aussi en interactions.

Nous verrons dans la dernière partie du cours, le rôle essentiel que jouent les politiques publiques dans l’incitation, le financement et l’accompagnement des innovations et des entreprises innovantes. Collaborations public-privé La recherche publique - en particulier universitaire - est à l’origine de nombreuses découvertes, de connaissances nouvelles mais aussi de nouveaux procédés qui ont transformé les objets que nous utilisons et la manière de les produire. Le laser, la géolocalisation et même Internet sont nés de la recherche publique, qu’elle soit fondamentale et désintéressée ou appliquée, à des fins militaires par exemple.

L’époque actuelle est marquée par une collaboration croissante entre recherche publique et recherche privée, l’essentiel de la R&D étant réalisée dans beaucoup de pays - dont le nôtre - par la collectivité publique ou grâce à son soutien.


Le rôle (leader ?) des consommateurs Les consommateurs jouent aussi un rôle dans la conception ou le développement des innovations. Eric Von Hippel montre le rôle essentiel des utilisateurs dans la conception de nouveaux produits. Il rapporte de nombreux cas d’innovations par des utilisateurs, dans des domaines aussi divers que la chromatographie, les vélos de montagne ou le cœur-poumons artificiel que le Docteur Gibbon proposa vainement aux industriels dès les années 30. Eric Von Hippel considère même que ces utilisateurs-pilotes - ces lead users - sont à l’origine de la plupart des produits les plus innovants et même de certains nouveaux procédés.

Pour lui les entreprises (il dit les « producteurs ») se contentent le plus souvent de développer des versions commerciales attractives de produits imaginés par des utilisateurs et seulement quand l’existence d’un marché rentable est assurée. Cette imagination des utilisateurs est aujourd’hui mise à profit par de nombreuses entreprises qui consultent régulièrement leurs clients pour améliorer leurs produits ou élargir leur catalogue, favorisant même la création de clubs d’utilisateurs ; un phénomène grandement facilité par les technologies numériques contemporaines.

Ces technologies nouvelles ont aussi favorisé la créativité des utilisateurs en diminuant les coûts de conception des prototypes, en favorisant la collaboration entre inventeurs et un accès rapide à une demande potentielle importante.


Le domaine du logiciel a été particulièrement touché par ce phénomène. Des communautés se sont créées pour développer des applications voire des systèmes d’exploitation comme Linux, créant un espace d’innovation indépendant du marché et en rupture avec le principe de l’appropriation de la création intellectuelle dans le cas des communautés Open Source.
Le principe de communautés bénévoles de créateurs s’est étendu à d’autres domaines. Eric von Hippel s’intéresse particulièrement au marché du kitesurf entièrement créé par ses utilisateurs qui s’échangent librement leurs modèles sur Internet et collaborent à leur amélioration.

 Le même phénomène touche désormais l’impression 3D ou des communautés de makers se créent autour de projets Open Source, tel le projet RepRap à l’origine d’une imprimante « auto-répliquante », c’est-à-dire capable de produire elle-même ses propres pièces.