Les formes complexes de l'innovation
Joseph Schumpeter, célèbre économiste autrichien, a influencé et influence encore les théories économiques de l'innovation. Ces travaux sont aujourd'hui remis au goût du jour avec de nouvelles théories et de nouveaux concepts dus notamment à l'évolution technique et technologique.
1. L'apport de Joseph Schumpeter
1.1. La destruction créatrice
L’entrepreneur innovateur
Steve Jobs ou Edison sont des entrepreneurs innovateurs au sens de Schumpeter qui définit celui-ci comme un génie créatif parfois solitaire qui va sortir des sentiers battus pour innover. C'est ce mythe qui a généré les « success stories » modernes de l'innovation. Nous verrons qu'il faut sortir de ce schéma pour comprendre la variété des innovations dans les sociétés modernes. Les légendes liées à ce mythe cachent des réalités plus complexes. Les grandes inventions ne relèvent pas de parcours individuels mais de recherches simultanées autour d'un problème que se posent des individus à un moment donné. Le phonogramme, l'aviation ou l'automobile doivent leur développement à des grappes d'inventeurs qui coopèrent parfois mais aussi qui se font concurrence. Le mythe de l'entrepreneur innovateur solitaire est aujourd'hui dépassé. Le fondateur de Tesla (véhicules électriques) ou de Space X (lanceurs spatiaux), Elon Musk, est plus un manager de très nombreux ingénieurs qu'un véritable innovateur solitaire.
Les grappes technologiques et la destruction créatrice
Dans Le cycle des affaires, publié en 1939, Schumpeter décrit les cycles économiques issus de l'innovation et en particulier les « grappes d'innovation ». Après une innovation majeure, souvent une innovation de rupture due à un progrès technique, voire scientifique, d'autres innovations sont portées par ces découvertes.
« Le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais à côté de l’ancien, lui fait concurrence jusqu’à lui nuire » : c’est la destruction créatrice. Les marchés sont profondément modifiés par la nouveauté.
Par exemple : la machine à vapeur serait ainsi à l’origine d’un premier cycle long, puis l’électricité et la chimie, puis l’automobile, et enfin, pour ceux qui adhèrent à cette vision du changement technique par vagues, l’informatique.
Ce phénomène explique que les innovations vont alors apparaître par grappe et se diffusent par imitation. Deux visions sont possibles : une première innovation radicale va venir transformer tout le système en place, apportant à cet entrepreneur une situation de monopole temporaire, la seconde est celle de l'émulation entre des inventeurs qui travaillent conjointement dans un domaine donné. Les idées sont alors « dans l'air » selon les termes d'Alfred Marshall. Elles peuvent aussi circuler dans des « milieux innovateurs » qui peuvent être localisés dans une même zone géographique. A travers ces travaux, Joseph Schumpeter met en avant la destruction créatrice, c'est à dire le remplacement des anciennes technologies par de nouvelles. On parle alors d'innovations radicales ou de rupture.