Adoption et compétition technologique

Beaucoup d’innovations ne dépassent pas le stade du projet, beaucoup d’inventions ne rencontrent jamais leur public. D’autres, après un début de notoriété, disparaissent du fait du succès d’autres innovations concurrentes. Une innovation ne se développe pas de manière isolée ; certaines périodes au contraire voient se multiplier les solutions nouvelles à des problèmes donnés. Ce chapitre abordera la compétition entre innovations, entre innovations techniques en particulier.

3. La guerre des standards

3.1. De la guerre à la paix temporaire


Il existe toujours de nombreuses solutions techniques différentes lors de l’apparition d’une nouvelle technologie. Face à cela, trois possibilités : la guerre (la compétition entre acteurs privés), la paix (l’action publique) ou le compromis (l’action collective).
Pourquoi cette question est-elle importante ? Parce que les solutions techniques peuvent être protégées par des droits de propriété intellectuelle contrôlés par les acteurs privés.
La propriété intellectuelle définit un cadre juridique permettant la protection, sous forme de droits exclusifs et cessibles, des marques, des innovations techniques, des bases de données, des ouvrages littéraires, musicaux, cinématographiques, et même des variétés végétales. Chacune de ses catégories fait l’objet d’un cadre juridique spécifique et l’ensemble constitue les droits de propriété intellectuelle (DPI). La propriété intellectuelle recouvre la propriété littéraire et artistique (dont le droit d’auteur est le cadre juridique le mieux connu) et la propriété industrielle (avec le bien-connu brevet).
L’action publique est celle de la normalisation -dite de jure . Les normes sont  des biens publics, connues de tous et librement disponibles. Elles portent sur « interfaces de communication » [Une interface de communication est un dispositif qui permet des échanges et des interactions entre différents acteurs ou différents éléments.] entre les différentes solutions (et les technologies affluentes).
 
Raisonnons par l’exemple, celui du remplissage d’essence des voitures. Le fait que trappes de réservoir et tuyaux soient de taille normalisée permet une compatibilité de n’importe quelle marque de voiture avec n’importe quelle enseigne de station-service. Vous imaginez le bazar, sinon, pour faire le plein ? Cela permet la concurrence entre les constructeurs d’automobile (et entre les pompistes), qui usent d’ailleurs largement des brevets pour se protéger. Pas de lock-in donc.

A l’inverse, laissez faire le marché et vous obtiendrez un standard dit de facto (de fait), et avec lui, une possibilité de verrouillage. Pourquoi ? Parce que les droits de propriété peuvent concerner les interfaces de communication (incorporées, souvent de manière volontaire, à la solution technique). Le détenteur du standard est alors libre de céder, ou non, moyennant royalties, ou pas, à tout offreur potentiel  de la solution en question (un concurrent donc) ou de produits complémentaires (les technologies affluentes). Disons le simplement : il contrôle le marché ! Et des deux côtés, celui de l’offre comme celui de la demande.

Entre les deux, il existe une situation de compromis. C’est l’action collective, autrement dit la coordination des acteurs privés. La rencontre des principaux protagonistes doit donner lieu à une entente sur le choix de la norme afin de prévenir le risque de développement de solutions incompatibles sur le marché.