Adoption et compétition technologique

Beaucoup d’innovations ne dépassent pas le stade du projet, beaucoup d’inventions ne rencontrent jamais leur public. D’autres, après un début de notoriété, disparaissent du fait du succès d’autres innovations concurrentes. Une innovation ne se développe pas de manière isolée ; certaines périodes au contraire voient se multiplier les solutions nouvelles à des problèmes donnés. Ce chapitre abordera la compétition entre innovations, entre innovations techniques en particulier.

2. Technologie et marché

2.1. Les propriétés fondamentales


Mini-Disc contre CD, MAC face à PC, VHS contre Betamax, DIVx face à DVD, HD-DVD contre Blue-Ray : on ne compte plus les cas de compétition technologique où l’une s’impose et l’autre est évincée (ou presque).
Pour comprendre, il faut partir d’un cas où deux technologies (A et B, VHS et Betamax par exemple) à rendements croissants s’affrontent. Il faut aussi considérer qu’il existe, au tout début du processus, deux classes d’utilisateurs aux préférences naturelles distinctes et de même taille.
Les préférences « naturelles » sont celles qui dicteraient son choix à l’agent, en l’absence des rendements croissants d’adoption. On peut préférer une technologie pour de multiples raisons, là n’est pas la question. Ce que va montrer le modèle de la compétition technologique est qu’il vient un moment où les préférences naturelles ne jouent plus sur le choix.
Je vous épargne la modélisation proposée par Arthur. Allons à ses enseignements : la compétition technologique possède quatre propriétés fondamentales.
1) La non-prédictibilité : l’issue de la compétition est imprévisible. Elle ne peut pas être connue en tout début du processus. Pourquoi ? Car aucun critère de qualité intrinsèque des technologies ne peut pas être pris en compte. On parle de bien d’expérience. C’est-à-dire des biens qu’il faut consommer pour en connaître les caractéristiques, qui se révèlent dans le temps.
C’est particulièrement le cas des technologies de réseau mais d’autres exemples peuvent être cités. Un repas au restaurant est un bien d’expérience.
2) La possible inefficience : le risque d’une sélection non pertinente, qui découle de la première propriété. Suspens sur l’exemple du clavier QWERTY que je vous exposerai en conclusion.
La sélection non pertinente peut être illustrée par la « victoire », dans le domaine des réacteurs nucléaires, de la méthode de refroidissement par eau. La sélection est non pertinente car les spécialistes s’accordent aujourd’hui pour affirmer que le refroidissement par gaz aurait été plus efficient s’il avait été « choisi » au départ et donc si on lui avait consacré autant de ressources qu’au développement du système de refroidissement par eau. Comment expliquer cette « erreur » ? Par les modèles de compétition technologique.
3) Le processus de « path-dependence » : l’adoption générale de l’une des technologies en compétition plutôt que l’autre peut provenir du fait que les agents préférant cette technologie se manifestent en premier. Tout simplement. Avec David, on reconnaît depuis le rôle des « petits événements historiques » dans le processus d’adoption.
4) L’inflexibilité : enfin, la quatrième propriété est le résultat fondamental des modèles de compétition technologique : le lock-in, ou verrouillage. Le verrouillage de la situation débute lorsque les agents ayant une préférence naturelle pour la technologie B, sont contraints d’adopter la technologie A en raison de la localisation du progrès technique sur celle-ci. Le progrès technique représente l’amélioration des techniques, y compris organisationnelles, qui sont utilisées dans le processus de production d’un bien ou d’un service.
C’est la dure loi de la compétition technologique. Deux questions se posent alors : quelles en sont les conséquences et que peut-on alors faire ?