Adoption et compétition technologique

Beaucoup d’innovations ne dépassent pas le stade du projet, beaucoup d’inventions ne rencontrent jamais leur public. D’autres, après un début de notoriété, disparaissent du fait du succès d’autres innovations concurrentes. Une innovation ne se développe pas de manière isolée ; certaines périodes au contraire voient se multiplier les solutions nouvelles à des problèmes donnés. Ce chapitre abordera la compétition entre innovations, entre innovations techniques en particulier.

1. Les biens "en réseaux"

1.3. Les notions clés: externalités de réseau et rendements d'échelle

On parle de rendements croissants d’adoption pour expliquer le phénomène par lequel une décision (l’adoption de la technologie) voit sa valeur (pour l’agent qui adopte la technologie) amplifiée par le nombre de fois où la même décision a été prises par d’autres (avant et après).

On doit l’analyse présentée ici aux travaux de Brian Arthur (mathématicien) et de Paul David (historien) [Cf. appendice]. Le processus d’adoption est le résultat du jeu de cinq sources de rendements croissants d’adoption (RCA).

1) Les externalités de réseau désigne l’interconnexion des utilisateurs dont nous venons de parler. Plus la technologie est adoptée et plus son utilité augmentera pour l’usager, en raison de l’accroissement de la base installée, donc de la taille du réseau. C’est l’exemple du téléphone. Qui ne sert à rien si on est le seul à en posséder un et dont la valeur d’usage augmente avec le nombre de personnes connectées.

2) Les économies d’échelle de production : Plus la technologie est adoptée, plus les éléments matériels qui la constituent sont fabriqués en grande série et donc plus le coût de production diminue (et avec lui le prix de vente). Prenons le cas des logiciels. Les économies d’échelle de production sont directement liées à la taille de la base installée en raison de la répartition des coûts de conception (les coûts fixes, très importants) sur l’ensemble des exemplaires produits.

Une économie d’échelle de production correspond à la baisse du coût unitaire d’un produit obtenu par l’accroissement de la quantité de production. L’un des principaux facteurs d’économies d’échelle est la répartition des coûts fixes incompressibles (comme les machines ou les bâtiments) sur un plus grand nombre d’unités produites.

3) L’apprentissage par l’usage : Plus une technologie est adoptée, plus important sera l’apprentissage lié à son utilisation et plus elle deviendra performante. C’est l’exemple du clavier Qwerty que nous aborderons dans la dernière capsule.

4) Les rendements croissants d’information : Plus la technologie est adoptée et moins l’aversion au risque constituera un facteur de blocage à sa diffusion. Ceci revient en réalité à se rallier à la solution dominante parce qu’elle est dominante. On parle d’aversion au risque. On ne prend pas le risque de retenir une solution moins diffusée. Car si on se trompe, on peut se dédouaner d’un « j’ai fait comme tout le monde ». Mouton de panurge ? En économie on parle d’effet pingouin. [L’effet pingouin désigne les comportements mimétiques qui résultent de l’incapacité des agents à recueillir toute l’information nécessaire à la prise de décision. ] => On suit la majorité.

5) Les interrelations technologiques : Plus la technologie est adoptée, plus les technologies affluentes qui structurent son environnement technique se font nombreuses et plus la technologie sera attractive. On retrouve ici l’exemple des jeux vidéos et des consoles ou, plutôt, celui des environnements informatiques, des grappes d’innovations.
Les travaux initiés par Arthur et David montrent que l’adoption est un processus indépendant de la qualité initiale des technologies en compétition. Nous allons voir cela.