Financement de l'innovation et rôles des institutions financières

2. Incertitude de l'activité d'innovation et de financement

2.1. Le risque au coeur de l'innovation

Du fait de son engagement vers le futur, l’activité d’innovation est par nature risquée, au sens où les entreprises ne seront jamais certaines de rentabiliser leurs investissements.

Mais plus encore, elle est soumise, si on reprend un concept de Frank Knight et John Maynard Keynes, elle est soumise à l’incertitude radicale. L’incertitude radicale se distingue du risque en ceci, que dans une situation dite risquée, on connaît l’ensemble des événements possibles et les probabilités associées à ces événements, c’est donc une incertitude mesurable, tandis qu’en situation dite radicalement incertaine, il est impossible de prévoir à l’avance tous les événements possibles, et donc par conséquent, d’associer des probabilités de réalisations à chacun de ses événements et de mesurer le risque, ce qui implique de se fonder sur l’intuition pour prendre la décision plutôt que le calcul.

Pour prendre un exemple, les jeux de la roulette russe ou du poker sont risqués mais pas incertains, puisqu’il y a une chance sur six d’en mourir dans un cas et qu’on peut calculer les probabilités de gagner avec une main dans l’autre. Au contraire, la concurrence entre entreprises les poussant à innover et créer sans cesse, cette activité innovante est au contraire caractéristique d’une situation radicalement incertaine : l’innovation étant unique, l’entrepreneur ne peut s’appuyer sur son expérience passée pour estimer sa probabilité de réussite, il se fie à son flair.

Ainsi, le profit peut être conçu dans la théorie économique comme la récompense pour l’entrepreneur de l’incertitude. En finance, on considère que le rendement doit être corrélé au niveau de risque, sinon l’investisseur n’acceptera pas d’engager ses fonds.

En situation incertaine, l’exigence de rentabilité sera d’autant plus forte.Du fait du caractère incertain mais également cumulatif de l’innovation, il faut donc en règle générale un engagement financier long et que des agents acceptent de prendre un risque.

Qui plus est, les investissements en R&D sont ce qu’on appelle des coûts irrécouvrables ou sunk costs : ils engendrent des coûts immédiats et donc des pertes à court terme, qui ne seront recouverts hypothétiquement qu’à moyen ou long terme.
Ces coûts irrécouvrables ainsi que ces engagements longs ne seraient pas en soi un problème pour des financeurs si premièrement les marchés financiers étaient efficients, c’est-à-dire capable d’évaluer correctement le risque et donc le rendement et le prix des actifs, et deux, ce qui va de pair, si les revenus futurs étaient prévisibles. Mais malheureusement, comme on l’a vu, il n’en est rien ici.

Les institutions financières comme les banques ou les investisseurs vont donc en général financer plusieurs entreprises : une partie de leur activité consiste à transformer l’incertitude en risque gérable en diversifiant leur portefeuille d’investissements. Comme les institutions financières gèrent plusieurs actifs et donc plusieurs projets d’investissements, on peut les rendre commensurables sous l’angle statistique des rendements et des risques de faillites (on peut calculer l’espérance de gains et la variance des rendements de l’innovation).
Mais cela ne veut pas dire que le financement de l’innovation n’est pas soumis à des difficultés.