Le rôle de l'innovation dans la croissance économique

2. Progrès technique et croissance

2.3. Les travaux de Romer et Lucas


Dans les années 80, les prix Nobel d'économie Paul Romer et Robert E. Lucas montrent qu'il existe des facteurs endogènes à la croissance économique.  

Le progrès n’est plus alors exogène, l’innovation devient le fait des firmes. Le progrès technique est un facteur de croissance économique sur lequel les politiques peuvent agir.

Les modèles de croissance endogène


A la fin des années 1980, Paul Romer et Robert E. Lucas initient les modèles, dits de « croissance endogène », dans lesquels le progrès technique devient un facteur déterminant de la croissance (voir aussi les travaux plus récents de P.Aghion et P.Howitt -1992).

De nouvelles sources de croissance sont alors intégrées, à côté du capital et du travail : l'amélioration de la formation, la production de nouvelles connaissances et le capital humain.

Mais l’une des propriétés importantes de ces modèles dits de croissance endogène, c’est que l’équilibre spontané n’est pas forcément optimal. Dit autrement, en laissant faire le marché, il risque d’exister un sous-investissement en innovation par rapport à ce qu’il serait nécessaire pour maximiser le bien-être collectif. Cela s’explique par le fait que les connaissances génèrent des externalités positives, c’est-à-dire qu’elles bénéficient à tout le monde, mais que ceux qui les créent ne sont pas forcément rémunérés suffisamment pour leur effort, car l’appropriation des connaissances est difficile. On dit que ce sont des biens publics. Un bien public est un bien collectif, qui ne disparaît pas pour les autres consommateurs lorsqu’il est utilisé par un consommateur (on parle de non-rivalité), et dont on ne peut exclure l’usage des autres.

De plus, une connaissance ne disparaît pas quand elle est utilisée et il est difficile d’empêcher quelqu’un de l’utiliser. Dans ces conditions, les agents privés n’auront pas d’incitations à investir en connaissance, car ils ne pourront faire payer pour l’usage de ces connaissances.

Rappel sur les biens publics

Un bien public est un bien ou un service dont l’utilisation est non-rivale et non-exclusive. Ainsi  la défense nationale est un archétype de bien public.
Les biens publics présentent deux propriétés économiques :

non-rivalité : la consommation du bien par un agent n’a aucun effet sur la quantité disponible de ce bien pour les autres individus, par exemple, le fait que de respirer ne prive pas les autres d'air. Les agents ne sont pas « rivaux » pour sa consommation. Autre exemple: le fait qu'un automobiliste regarde un panneau de circulation n'empêche pas un autre de le faire.

non-exclusion : une fois que le bien public est produit, tout le monde peut en bénéficier (on ne peut pas interdire, exclure de l’usage). Exemple d'exclusion : le prix demandé peut interdire l'accès à une plage privée, à des vacances ou à des produits alimentaires de base comme la viande, les produits frais, les loisirs, les soins. Ceux qui ne peuvent pas payer sont exclus.


Nous devons cette distinction à Paul Samuelson, la théorie des biens publics ("The Pure Theory of Public Expenditure'', 1954). La notion de bien public est l'une des quatre catégories issue du découpage selon l'exclusion et la rivalité, les trois autres étant le bien de club (non-rival mais exclusif), le bien commun (rival mais non-exclusif), et le bien privé (rival exclusif).

Cette sous-optimalité ramène à la question de la politique économique pour inciter à l’innovation que nous verrons dans le dernier chapitre.