Géographie et politiques de l'innovation

2. Les politiques de l'innovation

2.4. La politique de l'innovation en France

La politique de l’innovation en France a beaucoup évolué depuis les Trente glorieuses. Pour la période récente, la commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation souligne des évolutions fortes depuis 2000.

La politique de l’innovation en France a beaucoup évolué depuis les Trente glorieuses. Pour la période récente, la commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation souligne des évolutions fortes depuis 2000. Dans son rapport du début de l’année 2016, elle indique que les dépenses publiques destinées à soutenir l’innovation et la recherche dans les entreprises privées ont plus que doublé entre 2000 et 2015.
Ces dépenses, évaluées à environ 3,5 mds d’Euros en 2000, seraient aujourd’hui de l’ordre de 10 mds d’Euros (dont 6 milliards pour le seul crédit impôt recherche, le fameux CIR).


Moyens de l'état soutien innovation


Rapprochée des quelques 30 mds d’Euros de dépenses de recherche et développement effectuées par les entreprises en France, on mesure ainsi combien cette intervention est massive.
La France dispose aussi d’un système de recherche publique très développé par rapport à d’autres pays. Le secteur public en France exécute pour environ 18 mds d’Euros de recherche par an.

Au global, on voit que l’effort de recherche en France repose pour moitié environ sur la dépense publique.


financement et exécution recherche

La commission nationale d’évaluation des politiques de l’innovation a proposé de regrouper l’intervention publique en faveur de l’innovation autour de 5 grands axes :

  • Stimuler la R&D privée
  • Accroître les retombées de la recherche publique
  • Développer les coopérations entre acteurs
  • Promouvoir l’entrepreneuriat innovant
  • Soutenir le développement des entreprises innovantes

Nous allons voir que ces objectifs sont très cohérents avec les justifications théoriques dont nous avons parlé précédemment, et que ces objectifs sont servis par des outils d’intervention dédiés.

Famille objectifs


Le premier objectif est celui d’augmenter les capacités de recherche privée. Répondant à la première des défaillances de marché en matière d’innovation, cet objectif vise plus concrètement à stimuler une démarche d’innovation plus que d’imitation de la part des entreprises. De nombreux outils ont été mis en place dans ce sens comme les aides à l’innovation, le crédit impôt recherche (le système français étant le plus généreux au monde) ou le soutien à des projets sur des thématiques jugées prioritaires.

Le second objectif vise à rendre plus efficace la recherche publique en partant du constat qu’elle est souvent trop cloisonnée par rapport à la recherche privée. Pour répondre aux manques d’interactions dans le systéme d’innovation français de nombreux mécanismes ont été mis en place pour favoriser la diffusion de l’innovation issue de la recherche publique (les Sociétés d’accélération du transfert de technologie – SATT) ou la coopération entre le secteur public et le secteur privé (Instituts, chaires et autres laboratoires communs).

Le troisième objectif est plus centré sur les problèmes de collaboration entre les acteurs du système, en particulier pour les PME qui n’ont pas les mêmes contraintes que les laboratoires publics ou les grandes entreprises. Les actions en direction des systèmes locaux sont ici privilégiées : pôles de compétitivités, clusters et grappes d’entreprises ou plateformes mutualisées visent à favoriser les collaborations entre les acteurs du système.

Le quatrième objectif concerne la création d’entreprises innovantes et vise à favoriser la prise de risque qui est limitée dans un système de marché classique. Cette défaillance serait corrigée par la mise en place de mécanismes d’aides spécifiques à la création d’entreprise ainsi que d’avantages fiscaux liés au statut d’entreprise innovante. Des mécanismes d’accompagnement sont aussi prévus pour les créateurs d’entreprise selon leur origine (sans emploi, activité salarié ou chercheur par exemple).

Le dernier objectif recensé répond aux défaillances de marché en matière de financement de l’innovation pouvant freiner le développement des entreprises. Il existe une grande variété de dispositifs favorisant ce financement (par le capital-risque, les aides directes, les crédits d’impôt) ou permettant d’accompagner ces entreprises (centres de ressources technologiques permettant d’accéder à des ressources humaines ou matérielles complémentaires).

Quelle efficacité de la politique de soutien à l'innovation : l'exemple de la France

L’État français a développé un arsenal important de mesures visant à soutenir l’innovation et son système national en général.

L’action de l’État ne se limite pas à ces mesures directes en faveur de l’innovation, il agit aussi plus généralement sur son environnement (par sa politique de formation, sa politique en matière de concurrence, de flexibilité du marché du travail etc.). Il s’agit aussi de créer un contexte favorable à l’innovation.

Pour autant, la question de l’efficacité des politiques d’innovation est souvent posée, en particulier au vu du montant consacré au Crédit impôt recherche.

Les débats ne sont pas tranchés à ce niveau (voir à ce propos le rapport de la CNEPI ou l’article de D. Encaoua).

Rappelons cependant que si tous ces outils ont certes des avantages indéniables ils sont souvent critiqués pour leur coût élevé pour les finances publiques, leur rendement incertain, la difficulté à sélectionner les bons projets, les risques d'effets d'aubaine ou de maintien d'entreprises inefficaces sur le marché.
Enfin, rappelons que le financement de la recherche publique en amont est susceptible d'engendrer de nombreuses retombées à long voire très long terme sur l'innovation des entreprises privées.

Au total, c’est l’enjeu porté par les effets de l’innovation face aux difficultés à mettre en place un écosystème d’innovation efficace qui justifie l’intervention publique en la matière, même si les bénéfices de cette action restent incertains.